La Révolution par les livres
Nous publions ci-après un article de l’abbé Girod qui fait une très utile mise en garde contre plusieurs livres proposés pour les collèges ou lycées.
Étant enseignant dans une école, je vois passer tous les ans des dizaines et des dizaines de livres scolaires envoyés par les grands éditeurs afin de nous inciter à les choisir pour nos classes. Nous recevons notamment des livres de littérature, tant des œuvres qui sont au programme du bac de français que d’ouvrages recommandés pour différentes classes avec tout l’appareil pédagogique facilitant le travail du professeur (un peu comme les anciens classiques Larousse). Dans le lot, des œuvres contemporaines qui bien souvent abordent des thématiques à la mode (égalité entre les hommes et les femmes, orientation sexuelle, racisme, colonialisme…) avec une approche très idéologique. Les élèves vont ainsi étudier pendant des heures des pamphlets insultant la France et son histoire, promouvant les mœurs contre-nature, s’extasiant devant l’invasion migratoire, bref, faisant le lit de ce que l’on appelle le wokisme. Je me contenterai de donner en exemple trois livres reçus ces dernières semaines.
1. Mathieu Belezi, Attaquer la terre et le soleil, Les Ateliers d’Actes Sud, 2024.
Il s’agit ici d’un roman qui retrace les premières années de prise de possession de l’Algérie par la France. L’auteur a fait le choix surprenant d’écrire en supprimant la plupart des signes de ponctuation, ce qui doit être le summum de l’art d’écrire contemporain. Il nous raconte l’histoire d’une famille française arrivée en Algérie pour bâtir un village de colons sous la protection de l’armée, avec toutes les épreuves qui s’abattent sur ces pauvres gens : pluies diluviennes alors qu’ils n’ont que de mauvaises tentes pour s’abriter, chaleur torride, danger des bêtes sauvages et des Arabes qui rôdent, épidémie de choléra…). Les colons sont décimés et comme anéantis par toutes ces épreuves, si bien que la narratrice, Séraphine, qui a perdu ses deux garçons, sa sœur et deux beaux-frères finit par renoncer et revenir en métropole pour mettre fin à ce cauchemar. L’entreprise de colonisation nous est présentée comme une œuvre inhumaine qui dévore de pauvres victimes trompées par la propagande des autorités françaises. C’est un enfer sans issue qui aboutit à une mort terrible et prématurée.
Mais cette présentation profondément démoralisatrice n’est pas la pire. Un chapitre sur deux est consacré à suivre les exploits d’un bataillon de soldats commandé par le capitaine Landron. Ce capitaine qui ne parle qu’à coups de jurons ne sait faire qu’une chose : piller, brûler, violer, tuer et exterminer. Une sorte d’Attila sadique qui conduit sa colonne infernale de massacre en beuverie en passant par la satisfaction des plus bas instincts. Au chapitre 4 (il y a encore des numéros pour les chapitres), intitulé Bain de sang, le massacre a lieu le jour de Noël avec ce commentaire : « et c’est avec une rage plus chrétienne qu’on attaque le fondouk ». Les soldats investissent un village dans lequel ils vont hiverner. Comme les musulmans s’opposent à ce que les soldats violent leurs femmes, les soldats massacrent allègrement ces ennemis de la pacification opérée par la France. Certaines pages sont intolérables en raison de la caricature ignoble de notre armée faite par cet auteur, évidemment primé par Le Monde et par les Enseignants de l’Académie de Créteil.
Dans ce chapitre, des soldats entonnent un chant dont voici les paroles : « Courons au carnage / Vive le pillage / Mitraillons / Brûlons, saccageons ! / Et cueillons des galons : / Nous colonisons ! ». Une note nous avertit que cette chanson est attestée par plusieurs sources historiques car « elle figure dans le journal Le Libertaire du 8 juillet 1900 ». C’est tout autant historique que les horreurs des couvents rapportées par un journal anticlérical ou les bienfaits du stalinisme décrits par L’Humanité !
La colonisation est ici présentée comme un crime contre l’humanité, une insupportable violence faite à de pacifiques et laborieuses populations. C’est exactement ce qu’a dit M. Emmanuel Macron le 15 février 2017.
2. Ismaël Saidi, Eden, Librio, Editions J’ai lu, Paris, 2024
Il s’agit d’une pièce de théâtre dont l’étude est recommandée en classe de 4e, écrite par un belge francophone d’origine marocaine. Le héros, Samir, est un musulman tué lors des attentats du 13 novembre 2015 à Paris. Il se réveille devant la porte de l’Eden et apprend que sa fiancée Valérie, a commis pour le venger un attentat contre des musulmans avant de se suicider. Elle se retrouve en enfer. Samir décide de l’y rejoindre, renonçant au bonheur du ciel sans elle. Sur son chemin, il rencontre Shams, un homosexuel arménien turc qui est damné car il a vengé son amant, Ihsane, assassiné par un groupe de « fachos homophobes » qui lui a tendu un guet-apens. Samire et Shams cheminent ensemble et tombent sur Demon qui lui est en enfer car il a tué les passeurs clandestins qui ont poignardé et jeté à la mer son frère pendant une traversée nocturne repérée par la police des frontières. Nous avons donc dans cette pièce des gens présentés sous un jour sympathique qui commettent des crimes par vengeance et se retrouvent en enfer. Valérie venge son fiancé tué par un terroriste musulman, Shams venge son amant tué par des fachos homophobes et Demon venge son frère tué par des passeurs sans foi ni loi. La pièce se termine bien et tout ce petit monde, avec Valérie, se retrouve au Paradis. Étrange enfer dont on sort si facilement avec la magie du pardon.
Les vrais méchants de la pièce ne sont pas les protagonistes mais ceux qui ont provoqué leur colère : les terroristes, les fachos homophobes, les passeurs. La leçon de la pièce est qu’il faut accepter ceux qui sont différents, ne pas les faire souffrir, qu’il faut accueillir les migrants clandestins (« Vous avez ressenti la douleur du réfugié, de l’étranger, de l’autre » Epilogue). Il faut surtout éviter de tomber dans la haine car la haine nous tue nous-mêmes. Les assassins ont tué des innocents, mais si nous les haïssons, ils finissent par nous tuer, ce serait leur donner encore une victoire. C’est une illustration du fameux slogan « Vous n’aurez pas ma haine ! » clamé de manière lancinante après chaque attentat. Il se n’agit pas ici véritablement du pardon chrétien qui souhaite la conversion du pécheur et qui n’exclue pas la sanction de la justice. On est plutôt ici dans une sorte de refus de la réalité, d’annihilation de l’auteur du crime envers qui on refuse d’éprouver le moindre sentiment. C’est de plus le signe d’un désarmement moral complet qui refuse de regarder le mal en face et d’apporter les remèdes efficaces. On ne peut déplorer les attentats terroristes récents sans déplorer l’immigration massive qui submerge la France.
Notons que le thème de l’homosexualité est complaisamment abordé alors que ce texte s’adresse à des élèves de quatrième.
3. Brigitte Giraud, Jour de courage, Flammarion, 2019
Le titre de ce roman plutôt destiné aux lycéens se veut l’équivalent français de « coming out », l’acte par lequel quelqu’un fait part publiquement de son homosexualité. L’intrigue est assez ténue, même si elle s’étale sur une centaine de pages : un adolescent, Livio, présente un exposé en histoire devant ses camarades sur un audodafé perprétré en Allemagne en 1933. Cet autodafé prit pour cible la bibliothèque de l’Institut de Sexologie de Berlin, fondé par un médecin juif et homosexuel, Magnus Hirschfeld. L’élève en profite pour faire son propre « coming out » de manière détournée. À la suite de cet exposé et des tensions provoquées, Livio disparaît et l’on comprend qu’il s’est suicidé. L’homophobie a encore frappé !
Le roman et son dossier pédagogique étalent complaisamment tous les poncifs de la propagande LGBT, plus quelques coups de griffes contre la Manif pour tous ou l’Église qui est un repaire de pédophiles. Aucune distinction n’est opérée entre une attirance, qui ne relève pas de notre responsabilité, et des actes gravement désordonnés qui eux relèvent de nos propres choix. Quant à l’existence d’une loi naturelle qui règle l’usage des actes sexuels et qui doit être défendue par la loi civile, il n’en est évidemment pas question. Le héros est un jeune homme intelligent, inventif, délicat, cultivé, il tranche avec ceux qui dans le roman incarnent le parti de l’homophobie. Le roman n’est qu’un prétexte pour un exposé militant qui finit par devenir lassant tant il est répété usque ad nauseam dans tous les media.
Ces trois exemples ne sont qu’un petit échantillon du matraquage idéologique auquel les élèves sont soumis. Il faudrait éplucher les manuels de langues étrangères, de français, d’histoire, d’éducation morale et civique et j’en passe. Bref, des lycéens qui seront bien formatés pour devenir des futurs étudiants de Science Po !
Abbé Ludovic Girod